L'anti-pédagogie ou l'art de faire vivre une autoécole
L’anti-pédagogie ou l’art de faire vivre une autoécole
Consignes contradictoires, impatience des moniteurs, nombre d’heures largement surévalué, prix exorbitants pratiqués par les autoécoles, nombreux sont les moyens de dégoûter un jeune de prétendre à l’obtention du fameux papier rose.
Le Brevet pour l'Exercice de la Profession d'Enseignant de la Conduite Automobile et de la Sécurité Routière (B.E.P.E.C.A.S.E.R) n’est délivré qu’après validation, entre autres, des épreuves de pédagogie, LA vertu première du moniteur de conduite. Qu’advient-il de cette si nécessaire patience sur le terrain ? Pas grand-chose malheureusement. A l’exception de certaines excellentes écoles de conduite, on peine à retrouver une once de pédagogie dans nos autoécoles. Un tel constat pourrait d’ailleurs être fait dans l’enseignement général, au primaire comme dans le secondaire, où certains professeurs sont de véritables générateurs de blocages pour les élèves. Ces blocages poursuivront souvent le jeune tout au long de sa scolarité, voire de sa vie ; se faire traiter de nul ou de bon à rien n’étant jamais anodin.
Une stratégie commerciale
Dans les autoécoles plus qu’ailleurs, l’impatience a des effets directs sur le temps d’apprentissage de l’élève, et sur son porte-monnaie. Selon la législation française, un conducteur doit avoir effectué au moins 20 heures de conduite pour se présenter à l’épreuve du permis B. Les autoécoles ont fait de cette notion de minimum de 20h leur fonds de commerce. Ainsi, aujourd’hui, rares sont les personnes qui obtiennent leurs permis après 20 heures de leçons, la moyenne étant davantage de 30 à 35 heures. Un chiffre-clé dans notre société peut-être ? A la formule initiale code + 20 heures de conduite, d’une valeur de 800 à 1100 €, selon les régions, s’ajoutent la plupart du temps d’autres heures d’apprentissage, de 40 à 80 € l’unité ; on comprend vite l’intérêt des autoécoles à en dispenser un maximum. De facto, un élève plutôt doué n’est pas très rentable pour l’autoécole, quoi de mieux alors, pour prolonger sa formation, que de le braquer en le réprimandant à tout-va ? Sacrée stratégie commerciale. Certains « traumatisés » des leçons de conduite en viennent à souhaiter la présence d’une caméra dans le véhicule, pour prouver le manque de pédagogie de leur moniteur. D’autres jeunes espèrent de même dans les classes d’écoles, pour révéler au grand jour l’incompétence de certains professeurs indéboulonnables, leur seule évaluation consistant en une journée d’inspection précautionneusement préparée par l’enseignant pour renvoyer une image aussi lisse que possible. C’est là un tout autre débat.
Un enseignement au compte-gouttes
Plus le moniteur sera désagréable, plus l’apprenti se convaincra d’être mauvais et souhaitera prendre davantage de leçons. Seconde possibilité offerte aux autoécoles pour garder leurs clients plus longtemps : leur dispenser un enseignement au compte-gouttes, ou des consignes contradictoires. Moins l’élève en saura, moins rapidement il apprendra. C’est ainsi qu’un apprenti pourra avoir effectué 15 heures de conduite sans avoir touché, ne serait-ce qu’une fois, la pédale d’embrayage ! Il faut laisser du temps à l’assimilation, procéder étape par étape, certes, mais n’allons pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! Nos parents ont appris à conduire en 10 heures, avec des voitures bien moins coopératives que les nôtres, et sur des routes moins sécurisées, ils n’ont pas engendré plus de dommages pour autant. Pourquoi ne pas distinguer, dans le mode de calcul des heures, les personnes ayant des facilités, de celles nécessitant du temps à l’apprentissage de la conduite ? L’uniformisation est financièrement plus intéressante voilà tout.
Le pire dans ce monopole détenu par les autoécoles françaises est certainement l’absence d’alternative pour la personne désireuse de passer son permis. Le permis B est aujourd’hui, vous en conviendrez, un prérequis fondamental à la vie en société, la plupart des employeurs l’exigeant à l’embauche. La somme rondelette à dépenser ne semble guère optionnelle, mais alors, pas d’argent, pas de permis ? Non, c’est pure théorie. Notre Etat providentiel prévoit la prise en charge totale ou partielle par Pôle emploi des frais d'apprentissage du permis, lorsque l’absence de celui-ci constitue un frein à la reprise d'emploi. Vous trouverez donc toujours un moyen de vous faire délivrer cet encombrant papier rose, enfin papier, plus pour longtemps ! Le nouveau permis de conduire, au format de carte de crédit sera en effet progressivement mis en circulation en France à compter du 16 septembre 2013, la couleur rose étant toujours de mise.